©Mélanie Peduzzi

Promenade Sentimentale*

Neess, Bruxelles, 2021-22

Exposition personnelle
Personal exhibit



Promenade Sentimentale est un poème que l’on retrouve dans le cycle “Paysages tristes” des poèmes Saturniens de Paul Verlaine. Ce cycle à une intention particulière pour l'état d'âme et l'apparition picturale du paysage intérieur. Cette exposition propose une balade au cœur des différents sujets picturaux dont Marine Penhouët s'empare comme une ronde sentimentale. Comme un poème, cette proposition s'accorde à l'émotion avant de s'imposer à l'œil, dans une romance où l'on erre près des nénuphars blêmes.
C’est un voyage dans le temps.


Promenade Sentimentale is a poeme from the cycles Paysages tristes of Saturnian poems by Paul Verlaine call Paysages Tristes. This cycle has a particular intention for the state of the soul and the pictorial appearance of the inner landscape. This exhibition proposes a stroll in the heart of the various pictorial subjects which Marine Penhouët seizes like a sentimental round. Like a poem, this proposal is tuned to the emotion before imposing itself to the eye, in a romance where we wander near the pale water lilies. It is a journey through time.







Promenade sentimentale
Pulpzine, 50 exemplaires numérotés, Hypnotismezine, 2021
Pulpzine, 50 numbered copies, Hypnotismezine, 2021



Devon
Tirage argentique réhaussé, 25x32cm, 2019 
Enhanced silver print, 25x32cm, 2019

Be Stone
Sculpture sur pierre (granite de Bretagne) et pierres semi-précieuses, 25x46cm, 2020
Sculpture on stone (granite from Brittany) and semi-precious stones, 25x46cm, 2020




High life
Graphite et encre sur papier, 43x61cm, 2016
Graphite and ink on paper, 43x61cm, 2016

Money
Acrylique, encre, paillettes de verre sur bois et objets, 20x15cm, 2018
Acrylic, ink, glass flakes on wood and objects, 20x15cm, 2018
 

 

Paysage triste
Tirage argentique réhaussé, 25x32cm, 2019 Enhanced silver print, 25x32cm, 2019





Un grand fantôme (verso)
Peinture suspendue
Suspended painting






Vues d’exposition (sélection)
Exhibition views (selection)



You’re never gonna die
Acrylique et encre sur papier, graphite sur papier, tirage argentique et gravure sur verre, 85x61cm, 2016-21
Acrylic and ink on paper, graphite on paper, silver print and glass etching, 85x61cm, 2016-21

Un grand fantôme (Recto)
Acrylique et encre sur papier, dessin au fusain sur tilleul huilé et pigmenté, 79x115cm,2012-21
Acrylic and ink on paper, charcoal drawing on oiled and pigmented basswood, 79x115cm, 2012-21


Vues d’exposition (sélection)
Exhibition views (selection)





Matrice et persistance

L’exposition Promenade Sentimentale de Marine Penhouët à l’Atelier Neess présente une sélection d’œuvres réalisées entre 2012 et 2021. En prise avec des questions liées à la représentation et à la composition de l’image, l’artiste développe une pratique pluridisciplinaire liée aux mythes et aux vestiges intemporels. Intéressée par différentes disciplines telles que l’archéologie, l’ethnologie, la métaphysique et la cosmologie, dans une perspective holistique, l’artiste y extrait un ensemble de signes qui structurent un corpus plastique, témoins de l’usinage de l’humain et d’une recherche perceptive du monde. Promenade Sentimentale est le titre éponyme d’un poème de Verlaine où la figure du fantôme désigne en latin Fantasma, en grec Phantasia. Ici, en filigrane, le fantôme invoque une inquiétante étrangeté. Son prolongement sémantique, perceptible dans l’exposition, convoque en particulier la technique de la photographie, lorsque la lumière vient brûler la pellicule; ainsi que la lithographie, lorsque l’image est persistante dans le corps de la matrice. Marine Penhouët accompagne un corpus d’images et déploie leurs métamorphoses lors du processus de création.

Issue de différents référentiels, la méthodologie plastique est marquée par une exigeante démarche de collection, employant par exemple les lignes architecturales visitées (2018) du désert de Pétra, la perspective dessinée des peintures de Giotto, la juxtaposition de plans comme fonction symbolique dans la peinture Canto d’amore De Chirico (1914), les cocotiers découpés de l’album de The Cure, Boy’s don’t cry (1980), l’influence de la figure du smiley dans la culture « Acid House », l’équilibre spirituel du couple Yin-Yang, le registre allégorique de la mort provenant du Moyen-Âge... Marine Penhouët extrait des signes-formes qu’elle transforme, assemble, hybride et fait disparaître à son avantage.

La notion de matrice est centrale. L’artiste s’en empare jusqu’au détournement de certains outils d’impression et de reproduction. En effet, les signes évoluent au fil de torsions et à travers ses différents médiums de prédilection qu’elle emploie, comme la gravure, le dessin, la peinture ou encore la photographie. L’installation est souvent le moyen par lequel l’artiste fixe le résultat de la recherche. En tant qu’éditrice, sous le projet, Hypnotismezine*, la photocopieuse lui permet de générer le multiple. Dans sa pratique personnelle, le même outil glitche** images et textes lors de mouvements aléatoires sous le flash de la machine. Par de nombreuses allusions au soleil, à l’éblouissement et au procédé de « révélation », l’utilisation de la photographie illustre ce lien insécable entre réaction chimique, lumière et optique dans son langage plastique. L’approche expérimentale liée à la représentation et à la composition souligne la persistante quête de la naissance de l’image.

Parmi une grande variété de matériaux ou dans la profondeur du diorama***, l’artiste utilise également le collage comme vecteur d’une réalité poétique. La recherche de précision par l’annotation est renforcée avec l’utilisation du phylactère prenant la forme de la case, de la banderole ou de notes en bas de page. Notamment utilisés dans la peinture médiévale, ces espaces sont associés aux talismans qui leur confèrent un pouvoir magique. Comme un levier poétique supplémentaire, Marine Penhouët investit le titre souvent inspiré d’une « image » qui la précède, spécifiquement avec les œuvres You’re never gonna die (2016-2021) en référence à Pink Floyd, et Atlas (2016-2021) à Aby Warburg. D’une collection de photographies saisies en noir et blanc dans le désert de Jordanie et d’une raréfaction du signe, l’artiste traduit l’instant vécu au moyen d’une combinaison logique entre couleurs, oxydation, technique et matériaux jusqu’à la sublimation, identifiables avec les œuvres Palm (2018), Wadi (2018), et Ite Maledicti (2020-2021). L’artiste, imprégnée par l’imaginaire des cabinets de curiosité et la technicité des bas-reliefs, crée des images transversales où le sens et la composition sont mis en perspective jouxtant l’anachronisme et la continuité inattendue. En associant sagacité et réflexion liée à la puissance de l’image comme véhicule de savoirs et de récits, Marine Penhouët coordonne une rêverie au potentiel poétique où paréidolies et hasard s’entremêlent.

Lucie Pinier, curatrice indépendante, Bruxelles, 2022

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*Maison d’édition indépendante fondée par l’artiste en 2012
**Anglicisme du vocabulaire informatique d’un rendu graphique aléatoire ou non prévu à l’écran
*** Série, Crying for yesterday, 2015-2021